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le Mont N'égre

24 juin 2015

Accueil › Monde › Thomas Sankara, l’âme de fond

Maria MALAGARDIS Envoyée spéciale à Ouagadougou 14 novembre 2014 à 17:06 (Mis à jour : 16 novembre 2014 à 17:30)

Le capitaine Thomas Sankara, président du Burkina Faso (ancien Haute Volta), pose avec Francois Mitterrand à Vittel, le 3 octobre 1983. (Photo Jean-Claude Delmas. AFP)

GRAND ANGLE

Le «Che Guevara africain», assassiné en 1987 et remplacé par Blaise Compaoré, est devenu l’une des figures emblématiques du «Balai citoyen». Un mouvement de la jeunesse qui a joué un rôle clé dans le départ du chef de l’Etat.

C’est une tombe enfin «libérée». Celle d’un mort, dont le seul nom suffit, encoreaujourd’hui, à galvaniser les foules africaines et bien plus encore celles de son pays natal, le Burkina Faso. Le soulèvement populaire qui a embrasé pendant la dernière semaine d’octobre ce petit Etat d’Afrique de l’Ouest, balayant le régime en place, a aussi permis de libérer l’accès au cimetière de Dagnoe, gardé depuis plusieurs décennies par des militaires armés. Lesquels en interdisaient l’entrée sans laissez-passer officiel, à l’exception d’un seul jour dans l’année. Début novembre, ils ont discrètement disparu.

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Un leader contre «l’Occident repu»

Ce vaste cimetière aux tombes éparses, isolé à la périphérie de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, abrite celle de Thomas Sankara, le «Che Guevara africain». Un leader singulier, charismatique et visionnaire rendu célèbre par ses projets en faveur de l’autosuffisance nationale et ses discours audacieux. Comme celui à la tribune des Nations unies, en octobre 1984, lorsqu’il n’avait pas hésité, avec une politesse malicieuse, à affirmer aux grands de ce monde que son tout petit pays souhaitait «risquer de nouvelles voies pour être plus heureux» et ne plus être «l’arrière-monde de l’Occident repu». Le rêve était peut-être utopique ou idéaliste, il fut en tout cas vite brisé. Jeune capitaine de l’armée burkinabée, Sankara a pris le pouvoir à 34 ans, en 1984. Moins de quatre ans plus tard, le 15 octobre 1987, il sera renversé et assassiné. Son tombeur n’est autre que son plus proche collaborateur, son frère d’armes, son ami : Blaise Compaoré. Celui-ci devient alors l’homme fort du pays, à sa tête durant vingt-sept ans, avant que les manifestants de Ouagadougou ne le contraignent, le 31 octobre, à une fuite peu glorieuse.

Durant toutes ces années, le président fratricide aura tenté en vain de se débarrasser d’un fantôme qui ressurgit aujourd’hui avec d’autant plus de force que l’insurrection populaire d’octobre s’est réclamée de son nom. «Sankara», souffle Souleymane Ouedraogo devant les portes désormais grandes ouvertes du cimetière. «Pendant toutes ces années, on a maintenu vivante la flamme de son souvenir. Nos parents nous parlaient sans cesse de lui à la maison. Encore petit, j’avais dessiné un portrait de Sankara que mon père, alors installé en Côte-d’Ivoire [pays frontalier, ndlr], avait mis dans sa boutique. Ma première fierté d’enfant ! s’exclame ce jeune quadragénaire avec enthousiasme. Mais jusqu’à début novembre, personne ne pouvait venir se recueillir sur sa tombe. Sauf le 15 octobre, jour qui commémorait son assassinat.» Son regard balaye le cimetière silencieux, où se détache au loin la sépulture de Thomas Sankara, peinte aux couleurs vives du drapeau burkinabé. Elle est entourée d’une douzaine de tombes blanches, celles de ses collaborateurs, tous fauchés par les balles des mutins qui ont surgi ce fameux «jeudi noir» d’octobre 1987, lors d’une banale réunion de travail.

Au Burkina Faso, personne ne s’attendait à ce coup d’Etat, et personne n’a oublié la stupeur qui a saisi le pays à ce moment-là. Puis le silence s’est imposé, pour longtemps. Jeune rappeur engagé sous le nom de scène de Basic Soul, Souleymane Ouedraogo a composé en 2003 une chanson intitulée Capitaine. Immédiatement interdite de diffusion car elle évoquait Thomas Sankara. D’autres artistes, comme Smockey ou Sams’K Le Jah, s’y sont également risqués, avant de subir eux aussi la censure du régime.

Le pays des hommes rebelles

On les retrouve tous, un matin de novembre, dans une banlieue misérable, à l’autre extrémité de la capitale. Le long d’une route défoncée, parsemée d’ordures au milieu desquelles broutent des chèvres, s’égrène une série de petites boutiques aux façades d’un beige triste. Avec quelques camarades, Souleymane, Smockey et Sam sont venus présenter leurs condoléances à la famille d’une des victimes des journées d’insurrection fin octobre. Abdul Moubarak Belem était un jeune plombier de 18 ans, il n’a jamais connu Sankara. Une balle en pleine tête a mis un terme à sa courte existence lors des manifestations qui ont forcé Compaoré à quitter le pouvoir. Sa famille a retrouvé son corps à la morgue. «On ne peut imaginer à quel point la mort d’un être créé un vide. Nos mots ne suffiront pas», s’excuse presque Sam devant le père d’Abdul, digne vieil homme en gandoura (tunique sans manches), qui écoute en silence, le regard sombre. Avant de prendre la parole à son tour : «Mon fils est un vrai citoyen. Il a donné sa vie pour le Burkina Faso», souligne-t-il avec une fierté tremblante. «La patrie ou la mort» : le fameux slogan de Sankara, refrain de l’hymne national, n’a visiblement rien perdu de son actualité.

Blaise Compaoré aurait dû s’en douter, car c’est une longue histoire : la Haute-Volta, rebaptisée en 1984 «Pays des hommes intègres» (Burkina Faso) par Thomas Sankara, est aussi le pays des hommes rebelles, jamais totalement soumis malgré un tempérament plutôt pacifique. «La génération de nos parents s’était déjà révoltée le 3 janvier 1966, renversant le régime corrompu du premier président, Maurice Yaméogo, rappelle Zinaba Rasmane, 28 ans, étudiant en maîtrise de philosophie. C’était la première insurrection populaire de l’Afrique postcoloniale.» Le jeune homme fut lui-même aux premières loges de la dernière révolution, considérée par certains comme l’aube annonciatrice d’un nouveau printemps africain. «Ma génération n’a connu que Blaise au pouvoir. Mais depuis des années, la colère couve et personne n’a jamais oublié les victimes de son régime», précise encore Zinaba. Il énumère : «Chaque 19 mai depuis 1990, les étudiants refusent d’aller en cours en mémoire de Boukari Dabo, étudiant en médecine assassiné par les sbires de Compaoré. Chaque 6 décembre depuis l’an 2000, ce sont les écoliers qui font grève pour marquer le souvenir du jeune Flavien Nebré, tué par balles lors d’une manifestation. Et chaque 13 décembre, tout le monde se recueille, en mémoire de Norbert Zongo.»

Héros ostracisé

Zinaba est assis devant un «plat de riz-sauce» à la cantine du syndicat des journalistes - un centre de presse, baptisé «Norbert-Zongo» en hommage à ce journaliste assassiné le 13 décembre 1998, presque autant adulé que Thomas Sankara. Son meurtre - vaguement maquillé en accident de voiture - alors qu’il enquêtait sur l’assassinat du chauffeur de François Compaoré, le redoutable frère du Président, avait embrasé le pays, menaçant une première fois de faire tomber le régime. Contraint de lâcher du lest, le tombeur de Sankara accepte alors de modifier la Constitution pour limiter son maintien au pouvoir à deux mandats de cinq ans. C’est cette disposition qu’il a tenté de changer il y a trois semaines pour se représenter en 2015, entraînant sa chute brutale sous la pression de la rue.

C’est aussi en 1998 que Compaoré lève partiellement le tabou qui pesait sur Sankara, subitement élevé officiellement au rang des «héros de la révolution». Mais du bout des lèvres et en tant que héros «parmi d’autres». Des gestes cosmétiques qui n’ont pas réussi à banaliser la figure du leader assassiné : «Pour les jeunes d’aujourd’hui, même ceux qui ne l’ont pas connu, Sankara reste l’homme politique qui les captive le plus. Depuis sa mort, il n’y avait plus d’horizon pour la jeunesse de ce pays», explique Zinaba.

2012, le «déclic» de l’insurrection

Comme Smockey, Sams’K Le Jah ou encore Souleymane, alias Basic Soul, le jeune étudiant en philosophie est l’un des militants les plus actifs du «Balai citoyen». Ce mouvement de désobéissance civile a été créé il y a un peu plus d’un an avec l’objectif de «balayer» le régime Compaoré, en commençant par l’empêcher de se représenter. Il se revendique ouvertement de l’héritage de Thomas Sankara. Pendant les récentes manifestations, ses membres se sont retrouvés en première ligne. Mais si la mobilisation a réussi à chasser aussi rapidement l’homme fort du pays, réputé indétrônable, c’est également parce que le terrain avait été préparé à l’avance.

«Le déclic, ce fut le scrutin de 2012, se souvient Guy-Hervé Kam, un avocat d’affaires. Les élections municipales et législatives ont surtout renforcé l’aile la plus dure du parti de Compaoré, le Congrès pour la démocratie et le progrès. On a alors compris que rien n’arrêterait le régime dans sa course à la survie. Il fallait donc sortir de nos bureaux, susciter un vrai mouvement populaire et, surtout, convaincre les jeunes des quartiers déshérités, souvent désabusés, que la question du pouvoir était plus importante que le foot.» Ce quadragénaire à l’allure moderne, très casual chic, est le porte-parole du Balai citoyen. Et également un peu son mentor. Il ne faut pas se fier aux apparences : lui aussi a un passé de rebelle. «J’ai longtemps été un activiste un peu isolé», raconte-t-il en souriant derrière son bureau, installé dans une villa discrète au cœur de Ouagadougou. Nommé à 28 ans secrétaire général du syndicat de la magistrature, il se lance alors dans une virulente campagne contre la corruption qui le contraindra à la mise au placard puis à la démission.

Tirant les leçons de ses déboires passés, Guy-Hervé Kam a insufflé, avec d’autres, l’originalité du mouvement citoyen : «On a organisé des caravanes avec concerts et meetings dans les quartiers populaires. On parlait aux jeunes en moré, la langue la plus usitée ici, et non plus en français. Ils ont tout de suite adhéré : enfin on parlait leur langage, on les rassemblait autour d’artistes qu’ils connaissaient.» Le Balai citoyen a aussi mis en place des «barrages pédagogiques» : «A la mi-octobre, on a plusieurs fois bloqué toutes les artères principales de la ville en même temps pendant deux heures pour diffuser des slogans de mobilisation avec des mégaphones», se souvientGuy-Hervé Kam. L’avocat rappelle aussi la création des Cibal, ces clubs de «citoyens balayeurs» qui «se sont tellement multipliés dans les quartiers, les collèges, les universités, qu’on ne peut plus les compter !»

Il ne cache pas sa fierté à l’évocation de cette organisation prérévolutionnaire : «Quand le moment est venu d’empêcher les députés de voter la réforme constitutionnelle pour permettre à Blaise de se représenter, tout le monde était prêt pour l’épreuve de force.» Il y eut certes des moments de flottement. «Quand j’ai vu le dispositif militaire déployé dans la ville ce 30 octobre, le jour prévu pour le vote, je me suis dit : "Waouh, c’est gâté !" reconnaît-il. Mais les jeunes étaient déterminés, ils m’ont dit : "On y va, on passe en force." Et c’est comme ça qu’on a pris d’assaut l’Assemblée et empêché le vote. Le lendemain, Blaise quittait le pays.» Tout est allé si vite que personne n’a anticipé la suite. Les lendemains de révolution sont souvent difficiles à gérer, même dans un pays qui se réclame d’un héros sacrifié.

«Nous resterons une sentinelle»

Bien qu’inspiré par Thomas Sankara, le Balai citoyen se refuse à imposer des options idéologiques : «Dans ce pays, nous n’avons pas besoin de théorie, affirme Guy-Hervé Kam. Nous avons des problèmes concrets : permettre aux enfants d’aller à l’école, offrir eau potable et nourriture à tout le monde. Tout ce qui ira dans ce sens sera positif.» Son mouvement refuse de participer au nouveau pouvoir : «Nous resterons une sentinelle, la mauvaise conscience des gouvernants», assure-t-il. «Le peuple a décidé que l’exercice du pouvoir ne se ferait pas sans lui : ça, c’est du Sankara ! Mais il est mort il y a près de trente ans et son discours doit être adapté aux défis du monde actuel. Or, dans ce pays, nous n’avons pas d’avant-garde politique dans laquelle la population se reconnaîtrait spontanément», avoue Bénéwendé Sankara, le leader du principal parti d’opposition dit «sankariste» (sans lien de parenté direct avec Thomas Sankara). Ce mouvement n’a été créé qu’en 2000, dans la foulée de la vague de contestation qui avait suivi le meurtre de Norbert Zongo.

Au bout d’une route de latérite rouge, le siège de ce parti est un véritable petit musée en l’honneur du héros disparu : dès l’entrée, on tombe sur un grand buste coloré de Sankara, et de multiples portraits ornés de slogans révolutionnaires un peu désuets décorent les salles vétustes. Plutôt populaire, cette formation est néanmoins restée marginale en raison de ses incessantes divisions.

Dès lors, au lendemain du départ de Blaise Compaoré, la scène politique locale semble dominée par des partis d’opposition «libéraux» ou de droite qui ont suivi, plus qu’ils n’ont anticipé, la colère de la rue. Aux premiers jours de novembre, on pouvait voir leurs leaders errer dans les halls d’un hôtel de luxe, lors des premières tractations pour la transition : silhouettes en costume-cravate, imposantes et assurées, qui semblaient encore marquées par la posture d’anciens ministres de Compaoré que ces hommes ont souvent été avant de rompre soudain avec le pouvoir.

Que restera-t-il de cette révolution d’octobre inspirée par Sankara ? A Ouagadougou, les vautours ont disparu. Les «vrais», ceux qui pendant des années ont déployé leurs lourdes ailes au-dessus du marché central, ne sont plus visibles depuis longtemps. Selon une rumeur persistante, ils auraient été mangés par une population affamée. Les autres - ceux qui accaparaient les richesses du pays - sont depuis peu partis en exil. Mais certains anciens dignitaires du régime restent dans l’ombre. Comme le général Gilbert Diendéré, ancien chef d’état-major particulier de Compaoré, accusé d’avoir envoyé ses hommes assassiner Sankara ce fameux jour d’octobre 1987 qui hante le pays. Toute l’armée était aux ordres de Compaoré. Fallait-il pour autant l'exclure de la nouvelle ère ? Certains ont pu reprocher au Balai citoyen d’avoir cautionné la prise du pouvoir par les militaires au lendemain de l’insurrection. «Face au vide du pouvoir, on risquait le chaos ! C’est pour cette raison que nous sommes allés trouver les militaires, pour leur dire de prendre leurs responsabilités en se démarquant de Compaoré et en assurant le retour de la sécurité», se défend Me Kam, qui trouve cependant «gênant» le maintien du général Diendéré à l’état-major.

«Un goût d’inachevé»

Mais au pays des hommes rebelles, il y a d’autres adversaires tapis dans l’ombre. A commencer par cette survivance archaïque : le Parti communiste révolutionnaire voltaïque, ouvertement stalinien, a été créé dans la clandestinité sous la colonisation. Officiellement, personne ne connaît ses membres ni même ses dirigeants. Pourtant, les très puissants syndicats burkinabés lui obéissent aveuglément. C’est pour cette raison qu’ils ont loupé le coche de la révolution, restant singulièrement absents lors de ces journées historiques au cours desquelles le destin du pays a basculé. «Ils ont conclu un pacte avec Blaise. Ils menaient leurs luttes mais sans réellement remettre en cause le régime, au nom d’une "vraie alternative" toujours en attente. Désormais, ils tentent de saper la réputation du Balai citoyen», assure Zinaba.

Alors que le jeune activiste quitte la cantine du centre de presse Norbert-Zongo, un homme l’interpelle joyeusement : «Mon frère ! Ça y est, on a presque fini !» «Non, on n’a pas encore commencé», lui répond d’une voix lasse Zinaba. Il soupire : «La révolution a encore un goût d’inachevé. Il nous faut construire, tout en nous occupant de nos ennemis.» A la fin du mois, il se rendra sur la tombe de Thomas Sankara : «Je lui dirai que non seulement nous avons vengé sa mort, mais que nous avons aussi fait revivre son esprit, son rêve de liberté.» Avant de s’éloigner, pour aller se replonger dans ses recherches sur «l’humanisme dans l’œuvre de Karl Marx», son sujet de maîtrise.

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24 juin 2015

« Les artistes africains méritent plus de

« Les artistes africains méritent plus de visibilité »

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Nize Nisikhonzele phela bandla bo 2, par l'artiste sud-africain Bambo Sibiya

Julie Taylor est née au Zimbabwe mais c’est à Johannesburg qu’elle a lancé (et autofinancé) son entreprise, en mars 2014. La galerie d’art en ligne Guns & Rain a emprunté son nom au titre du livre de l’anthropologue David Lan qui évoquait la guérilla et les médiums pendant la lutte pour l’indépendance du Zimbabwe. Une façon de dire que choisir et « curater » une œuvre d’art est à la lisière de la culture et de quelque chose de plus spirituel. Et que faire reconnaître les artistes au niveau international est un combat quotidien.

Pour le moment, la galerie compte dix artistes, la plupart sud-africains (avec une Botswanaise, deux Zimbabwéens et un Namibien), qui travaillent principalement la peinture, le dessin, les collages. Les prix sont abordables, de 200 à 900 dollars. Julie Taylor gère seule la galerie, avec « un réseau de collaborateurs, conseillers et mentors dans le domaine de l’art, des nouvelles technologies et de la communication ».

Ancienne de chez Google Afrique, elle a notamment participé au lancement du Google Art project en 2011 qui propose en ligne plus de 32 000 oeuvres issues des collections de 46 musées à travers le monde. Guns & Rain a été le premier portfolio consacré à l’art contemporain issu d’Afrique à apparaître sur la Google Open Gallery. Entretien.

Quels sont vos critères de sélection pour choisir les artistes représentés par la galerie ?

Je cherche des artistes qui sont vraiment engagés dans leur travail et qui ont une trajectoire prometteuse. Certains se sont fait remarquer localement, ont participé à des résidences, nationales ou internationales, mais ne sont pas encore représentés par une galerie. Leur travail doit résonner en moi. Les thèmes qui m’intéressent sont la nature, la culture, l’identité, la terre, la lutte et le changement, entre autres - et cela influe sur la sélection et le commissariat des œuvres pour Guns & Rain.

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Face with Blue, par Admire Kamudzengerere

La plupart des artistes de Guns & Rain sont jeunes et émergents. Beaucoup d’entre eux sont issus de milieux défavorisés, donc en plus d’acquérir des œuvres d’art de grande qualité, les collectionneurs peuvent investir dans le fait de développer la capacité d’autonomie financière des artistes et dans une forme de philanthropie. Dans certains cas, comme celui du Zimbabwéen Richard Witikani, les artistes sont déjà bien établis mais n’ont pas encore atteint la visibilité internationale qu’ils méritent.

Aviez-vous une expérience dans la vente d’œuvres d’art avant de monter votre galerie en ligne ?

Non. Je suis anthropologue de formation et, récemment, j’étais à la tête du service communication de Google pour l’Afrique. Mais j’ai toujours été passionnée par l’art. Ces dernières années, je me suis rendu compte que je passais la plupart de mon temps libre à écumer les galeries et les ventes aux enchères.

« En 2008, j’ai aussi été témoin des conditions de vie très difficiles des artistes de mon pays d’origine, le Zimbabwe »

En 2008, j’ai aussi été témoin des conditions de vie très difficiles des artistes de mon pays d’origine, le Zimbabwe. J’ai alors commencé à réfléchir à la façon dont internet pouvait les aider à obtenir une meilleure reconnaissance de leur travail par les acheteurs internationaux. Guns & Rain est une entreprise mais j’attache une grande importance au social, qui inclut à la fois l’artiste et le développement d’un public. Cette année, en plus de me former à l’entreprenariat, je vais aussi retourner à l’école pour passer un diplôme en Histoire de l’Art !

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Capture d'écran du site Guns & Rain.

En tant que galeriste, quels sont les avantages et les inconvénients d’être uniquement en ligne ?

Aux États-Unis, un sondage de UGallery, publié en 2014, montre que les gens pensent qu’acheter de l’art est plus effrayant que d’acheter une voiture. Grâce à Internet, l’art est maintenant beaucoup plus accessible qu’avant, notamment en termes d’accès à l’information concernant le marché. Les gens sont souvent plus enclins à visiter une galerie ou un musée en ligne plutôt « qu’en vrai » car ces espaces peuvent parfois être un peu intimidants.

La forte demande mondiale pour le numérique, en particulier chez les moins de 40 ans, a également créé de nouvelles façons de découvrir et d’acheter de l’art. Les nouvelles technologies conduisent à une démocratisation importante du monde de l’art. Ce sont les avantages. Maintenant, vendre de l’art est bien sûr très différent de vendre une paire de chaussures ou un logiciel. Acheter une œuvre implique une prise de décision nuancée, subjective et émotionnelle. Le principal défi est d’utiliser au mieux l’environnement virtuel online pour vendre une œuvre de qualité. Il faut du temps pour comprendre comment les personnes interagissent avec l’art en ligne et répondre alors au mieux à leurs besoins et à leurs intérêts.

« Les nouvelles technologies conduisent à une démocratisation importante du monde de l’art »

Faites-vous la promotion de « vos » artistes au public et aux collectionneurs, en Afrique du Sud et à l’étranger ?

Oui car, malgré une récente explosion de l’intérêt international pour l’art contemporain africain dans le monde « hors ligne », les artistes africains sont encore largement sous-représentés en ligne. Guns & Rain comble ce fossé et apporte une représentation réfléchie, intelligente, abordable et accessible de cet art.

Promouvoir l’art contemporain réalisé en Afrique est beaucoup plus facile avec les outils Internet et les médias sociaux même si les relations traditionnelles hors ligne, avec les collectionneurs – existants et potentiels -, d’autres marchands et les galeristes, demeurent importantes.

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Auto-portrait en oiseau, par Bevan de Wet.

Quel est le profil de vos acheteurs ?

Ils viennent pour la plupart des États-Unis, de Grande-Bretagne, du Canada, d’Australie et d’Allemagne mais le trafic sur le site fait état de dizaines d’autres pays. J’ai aussi une clientèle de plus en plus importante en Afrique du sud. De nombreux acheteurs sont de jeunes professionnels qui font avec nous leur premier investissement dans l’art.

Vous avez travaillé 7 ans pour Google Afrique. La firme américaine est souvent perçue comme « le grand méchant loup » qui veut imposer ses vues en Afrique. Ne pensez-vous pas que les Africains doivent créer leurs propres outils numériques ?

Cette perception est moins importante sur le continent qu’en Europe ou qu’aux États-Unis, d’abord parce que l’utilisation d’Internet est moins enracinée, avec un accès relativement limité et coûteux, ensuite parce que les préoccupations politiques sont différentes. Google a beaucoup investi dans l’écosystème technologique du continent, notamment en apportant une assistance non négligeable aux développeurs web.

« Des sociétés comme Google peuvent jouer un rôle de facilitation et de soutien, qui n’est pas forcément en contradiction avec le fait que les Africains créent leurs outils et leurs technologies »

En 2011, une application de divertissement appelée Afrinolly a remporté une petite somme d’argent lors du premier Concours pour développeurs Android de Google en Afrique. Cela a permis à l’équipe de passer à l’étape supérieure et, aujourd’hui, l’application a été téléchargée plus de quatre millions de fois à travers des dizaines de pays.

Autre exemple, la plateforme à succès Africa Check, innovante et à but non lucratif, qui fait de la vérification d’informations pour promouvoir la précision dans le débat public et les médias. Africa Check a été développé après que le concept ait gagné un prix lors de la première édition de l’Africa News Innovation Challenge, financé par Google, Omidyar et d’autres dans le cadre des efforts visant à favoriser l’innovation numérique dans les médias africains. Je pense que des sociétés comme Google peuvent jouer un rôle de facilitation et de soutien, qui n’est pas forcément en contradiction avec le fait que les Africains créent leurs outils et leurs technologies. Tous les jours, ceux-ci en créent de nouveaux.

Quels développements pour Guns and Rain en 2015 ?

Plus d’artistes et d’œuvres sur la plateforme, notamment venus d’Afrique du Sud, de Namibie et du Zimbabwe. Il y a aussi des collaborations avec des partenaires à l’international qui sont prévues. Pour avoir votre dose régulière d’art contemporain africain, vous pouvez nous suivre sur les réseaux sociaux.


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/03/01/les-artistes-africains-meritent-plus-de-visibilite_4585398_3212.html#oZFvfXQmhMXUqTmC.99
24 juin 2015

les 10 Africains qui comptent dans l’art

les 10 Africains qui comptent dans l’art contemporain

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Koyo Kouoh, commissaire d'expositions et directrice du centre d'art Raw Material à Dakar. Sophie Thun

Artistes cotés, galeristes ou commissaires d’expositions, ces Africains ont un rayonnement international. Ils exposent chez eux et à travers le monde, qu’ils appartiennent à la diaspora, soient ancrés dans leur pays ou en mouvement entre plusieurs continents. Leurs travaux parlent du passé colonial et de la post-colonie, mais reflètent aussi l’Afrique d’aujourd’hui : un continent créatif, reconnu et décomplexé.

Okwui Enwezor, la sommité

Basé à New York, ce natif de Calabar, au Nigeria, a fondé en 1994 le magazine d’art africain contemporain NKA, à New York. Directeur de la seconde Biennale de Johannesburg (1996-98), puis de la Documenta à Kassel (Allemagne, 1998-2002), des Biennales de Séville (Espagne, 2005-07) et Gwangju (Corée du Sud, 2008), il a aussi été le commissaire général de la Triennale à Paris (Palais de Tokyo, 2012). Cet esprit ouvert dit s’intéresser aux « changements historiques en cours dans les domaines de l’art, de la politique, de la technologie et de l’économie ». Directeur depuis 2011 de la Haus der Kunst (Maison de l’art) de Munich, il a été nommé directeur artistique de la prochaine Biennale de Venise, qui ouvrira en mai 2015. La consécration.

Sindika Dokolo, grand collectionneur

« Si nous ne disons pas au monde ce que nous sommes, si nous ne montrons pas le meilleur dont nous sommes capables, nous ne mettrons jamais un terme à l’incompréhension et à la condescendance ». Le mari d’Isabel dos Santos, fille aînée du président de l’Angola et richissime femme d’affaires, rêve à 42 ans de créer un musée d’art contemporain à Luanda, qui serait le premier du genre en Afrique. Né à Kinshasa d’un père congolais et d’une mère danoise, il a grandi à Bruxelles et Paris. Il est rentré au Zaïre en 1995 auprès de son père banquier, et y est resté après la chute de Mobutu. Grâce à ses propres activités dans le ciment, les telecoms, les mines et le pétrole, il a acquis plus de 1 000 œuvres d’art. Il les montre au public depuis qu’il a lancé une Triennale des arts à Luanda, en 2004.

Yinka Shonibare MBE, chevalier de l'Empire britannique

Cet artiste nigérian de 52 ans, très coté, a vu son travail mis en valeur en 2002 par Okwui Enwezor à la biennale de Venise, puis par Simon Njami dans l’exposition Africa Remix. Il vit à Londres, où il est connu pour ses habits victoriens faits en wax, ce fameux pagne « africain » qui ne l’est pas tant que ça… Tout est parti, explique-t-il, d’une question que lui a posée un jour l'un de ses professeurs d’art britannique : « "Pourquoi tu ne fais pas de l’art plus africain ?" Mais je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire. Et puis je suis allé au marché où je me suis renseigné sur le wax. J’ai appris que ce tissu a été fabriqué en Hollande à partir de motifs indonésiens, pour être finalement vendu à l’Afrique de l’Ouest où il est devenu très populaire. Donc, ces tissus sont multiculturels, comme moi. Les utiliser, c’est comme une blague : “Regardez ce que c’est l’Afrique typique !” ». Fait chevalier du « Plus excellent ordre de l’empire britannique » en 2004, il en ajoute les trois lettres (MBE) à son nom depuis, comme pour mieux en souligner l’ironie.

Simon Njami, découvreur de talents

« Quand on cherche l’Afrique dans l’art, on cherche quoi, à part des présupposés ? » Né en 1962 à Lausanne de parents camerounais, il a découvert sa « négritude » à Paris, adolescent. Une notion qu’il ne cesse de remettre en question depuis. Romancier à 23 ans, il a co-fondé à 29 ans, en 1991, le magazine d’art Revue noire, avec ses amis Jean-Loup Pivin et Pascal Martin Saint-Léon. Directeur des Rencontres africaines de la photographie de Bamako (2001-07), il a été commissaire en 2004 d’Africa Remix, une grande exposition qui a tourné trois ans et contribué à mettre l’Afrique sur la carte du monde de l’art contemporain. Tout en travaillant à son prochain roman, il a réuni en 2014, au Musée d’art moderne de Francfort, une cinquantaine d’artistes africains -pour moitié inconnus- autour de La divine comédie, un texte de Dante. Leurs interprétations de l’enfer, du purgatoire et du paradis font salle comble et tournent à travers le monde.

Romuald Hazoumé, installations à clés

Installé au Bénin, il s'est fait connaître avec ses masques faits à partir d’objets récupérés, bidons d’essence ou aspirateurs. L’une de ses dernières installations montre 2 000 cadenas fermés sur la jupe de la « déesse de l’amour », qui garde les clés comme des bijoux à ses oreilles et autour de son cou. « Dans le vaudou, c’est un acte très grave de fermer un cadenas et de jeter la clé », explique cet initié. Une pratique pourtant courante, sur certains ponts de Paris... Très coté, Hazoumé, 52 ans, fait partie avec le peintre congolais Chéri Samba de l’écurie de la galerie parisienne André Magnin. Il irrite parfois le monde de l’art. « Ce n’est pas parce que nous sommes Africains que nous devons nous dévaloriser, dit-il. Nous avons les moyens de faire les choses correctement ! Je refuse d’aller à la Biennale des arts de Dakar, parce qu’elle est très mauvaise… »

Linda Givon, galeriste à Johannesburg

Sa galerie Linda Goodman, du nom de son ancien mari, à Johannesburg, reste une adresse incontournable. Linda Givon, Sud-Africaine blanche de 78 ans, l’a fondée en 1966, contribuant à lancer nombre de talents noirs et blancs. Concurrencée depuis 2003 par les galeries Stevenson au Cap et Momo à Johannesburg, rachetée en 2008 par l'ex-consultante en finances et productrice de cinéma Liza Essers, la galerie reste la reine quand il s’agit de faire la cote d’un nouvel artiste. C’est chez elle que le tableau controversé du peintre Brett Murray, qui montrait le président Jacob Zuma nu, en exhibitionniste, a été vandalisé en 2012. Dans son catalogue figurent 40 talents, des illustres aînés William Kentridge et David Goldblatt aux jeunes en plein essor, comme le photographe Mikhael Subotzky, 33 ans, en passant par les quadragénaires confirmés : le peintre Moshekwa Langa et le plasticien marocain Mounir Fatmi.

Mounir Fatmi, le pouvoir de la déconstruction

Etabli à Tanger, Lille et Paris, ce vidéaste et plasticien marocain de 44 ans cultive l’art de mettre les pieds dans le plat. Partout où il monte ses installations, il donne à réfléchir et pose des questions. Sur l’islamisme, il a notamment réalisé une série intitulée « Save Manhattan », où il installe, entre autres, des volumes du Coran comme des Twin Towers, sous la légende : « Comprendra bien qui comprendra le dernier ». Sa biographie officielle indique qu’il « traite de la désacralisation de l’objet religieux, de la fin des dogmes et des idéologies », mais aussi de la « mort de l’objet de consommation ». Cet homme qui refuse d’être « aveuglé par les conventions » montre son travail en Afrique, en Europe et au Moyen-Orient. Trois régions du monde où il a reçu des prix.

Mary Sibande, variations autour d’une robe bleue

L’identité, tel est le thème central du travail de cette Sud-Africaine de 34 ans, basée à Johannesburg et représentée par Momo Gallery. Fille et petite-fille de « maid », ces employées de maison qui portent toujours des uniformes pour servir dans les familles blanches, elle s’est créé un personnage : Sophie, son « alter ego », mise en scène dans ses installations, est vêtue d’un vêtement hybride. Une grande robe victorienne de couleur bleue ou violette, surmontée d’un tablier blanc de bonne. Titre moqueur de l’une de ses dernières expositions : « The purple shall govern », un jeu de mot entre la couleur violette et « The people shall govern » (Le peuple devra gouverner), un slogan de la lutte contre l’apartheid.

Koyo Kouoh, commissaire d’exposition axée sur la « matière première »

Installée depuis 1996 à Dakar, cette Camerounaise a étudié la finance et l’administration bancaire, mais a vite changé de voie. Directrice des Arts et de la culture à l’Institut de Gorée (1998-2002), commissaire indépendante lors des Biennales de Bamako en 2001 et 2003, conseillère culturelle pour l’ambassade américaine au Sénégal (2003-08), elle a ouvert en 2011 un centre d’art: Raw Material Company (« Compagnie de la matière première »). Sollicitée à Londres, Amsterdam et New York, Koyo Kouoh estime elle aussi que « l’art est politique, même si les gouvernements et les sociétés africaines ne le perçoivent pas comme tel ». L’important pour elle commence à la base : « L’artiste du quartier doit être reconnu comme le cordonnier ou le boutiquier pour son rôle dans la société. » Elle fait partie, avec Bisi Silva au Nigeria, Marilyn Douala Bell au Cameroun et Marie-Cécile Zinsou au Bénin, d’une nouvelle génération de femmes qui montent des centres d’art.

Omar Victor Diop, l’étoile montante du portrait

D’abord connu pour ses portraits d’artistes à Dakar et ses images de mode futuriste, il vient d’entrer en orbite dans le monde de l’art, à 33 ans. « N’exagérons rien, je n’ai pas non plus reçu le Prix Nobel », sourit-il. On le compare à Seydou Keïta ou Samuel Fosso, un photographe camerounais qui a fait des séries d’autoportraits. Il fait des jaloux, mais il trace sa route. Sa dernière série, « Diaspora », a fait sensation à Paris Photo en novembre. Dans ces douze autoportraits, il revêt les habits de personnages noirs devenus des personnalités en Europe, du temps de l’esclavage et des colonies. Ses tirages limités se sont vendus comme des petits pains. Parmi ses acheteurs, un certain Lilian Thuram, touché par son propos. Ses héros méconnus des XVIIe et XVIIIe siècle portent en effet des accessoires de… football. Un clin d’oeil à une autre forme d’excellence africaine, plus contemporaine.

 

24 juin 2015

Guyane guyane Langue officielle Le français.

Guyane guyane

 

Langue officielle

Le français.

Langue parlée

60% des Guyanais parlent le créole (guyanais, 38% ; martiniquais ou guadeloupéen, 6,4% ; haïtien, 8%...). Le français est la langue maternelle d’un peu plus de 14% des habitants. Puis viennent le portugais (6,9%), l’hindoustani (4%), le chinois hakka (3,9%), etc. La créolisation de la communication courante est avérée et pallie les inconvénients inhérents à cette diversité.
Les langues indiennes (4% des locuteurs) sont classées en trois familles : arawak, caraïbe et tupi-guarani. Parmi ces langues, seul le kalihna (famille caraïbe), qui compte quelques 10 000 locuteurs dans la zone des Guyanes, semble avoir quelques chances de se maintenir.

Peuple

La population guyanaise est à la fois restreinte et complexe. Premiers habitants de la région, les indiens représentent désormais 5% des Guyanais : Arawak et Palikour (famille arawak) ; Kalihna et Wayana (famille caraïbe) ; Emerillon et Wayampi (famille tupi-guarani). « Populations primitives » (1952), « populations tribales » (1970), « amérindiens de Guyane française » (1984) et « communautés tirant traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt » (1987) : ces expressions marquent la lente évolution de l’attitude des autorités à leur égard.
Les européens (Métros ou « Permanents ») sont 14%. Les Guyanais d’origine africaine, 60%. Ce sont surtout des mulâtres. Les Noirs-marrons, ou Bushinengués, sont environ 10 000 ; Boni, Djuka, Saramaca, descendants d’esclaves rebelles du Surinam, ils vivent, pour l’essentiel, sur les rives du Maroni. Puis viennent les asiatiques (Chinois Hakka, Hmong du Laos), les Brésiliens, les Surinamiens, les Libanais…

Réligion

Le catholicisme est largement majoritaire. Et subventionné par le département (régime similaire à celui de l’Alsace ou de la Moselle). Les protestants évangéliques s’implantent. Indiens et Noirs-marrons pratiquent encore souvent leurs religions traditionnelles.

Fête Nationale

14 juillet.

Calendrier des Fêtes

Les jours fériés sont les mêmes qu’en métropole. On peut y ajouter les fêtes suivantes.

De janvier à mars : le carnaval, qui commence le jour de l’Epiphanie et se termine le Mercredi des cendres (férié), après les « jours gras ». Les défilés ont lieu le dimanche.
10 juin : fête de l’Abolition de l’esclavage.
10 août : fête de Saint-Laurent.
15 octobre : fête de Cayenne.
25 novembre : fête de Kourou.

Histoire

Premier peuplement au VIe millénaire avant JC, dont descendraient les Emerillon et les Wayampi. Originaires de l’Amazonie, les Arawak et les Palikour sont arrivés au IIIe siècle, suivis par les Caraïbes au VIIIe. Pendant cette longue histoire, bien des peuples ont occupé la région.

Il y avait du monde sur la plage lorsque, le 5 août 1498, Christophe Colomb a longé la côte de Guyane. Pourtant, le premier à y aller voir de près fut l’Espagnol Vicente Yanez Pinzon (1460-1523), ex-commandant le la Nina, en 1500. La région guyanaise n’étant pas concernée par le traité de partage hispano-portugais de 1494, les Français vont tenter de s’y installer à partir de 1604. Les choses n’iront pas sans mal : microbes et bactéries se montrent intraitables. Richelieu pousse pourtant à la colonisation de la France équinoxiale. Cayenne est fondée en 1643. Les colons sont décimés par les maladies et les indiens (eux-mêmes mis à mal par des affections nouvelles). 1654, les Anglais passent. Deux ans plus tard, des juifs marranes, venus de Guyane hollandaise, fondent à Cayenne une première sucrerie. Et font venir les premiers esclaves noirs. Quelques chassés-croisés franco-hollandais plus tard, les Français s’installent pour de bon (1664). Ils parviennent tant bien que mal à développer une agriculture : canne à sucre, rocou (un colorant alimentaire qui sert à teindre le haddock et la mimolette), indigo, coton, café… Les esclaves fournissent à cela l’essentiel de l’énergie. Les jésuites pourvoient à pas mal de choses. Les bisbilles avec l’Angleterre et la Hollande se poursuivent.
En 1713, le traité d’Utrecht, établit le Maroni frontière occidentale de la Guyane française. Pour le reste, les disputes avec le Portugal, puis le Brésil, ne cesseront qu’en 1900, lorsqu’un arbitrage suisse fixera la frontière franco-brésilienne sur l’Oyapock. Cette même année 1713, les jésuites établissent une mission à Kourou. Ils poursuivent leurs efforts pour la mise en valeur et en catholicisme romain de la colonie. Louis XV les expulse en 1762. Toutes les tentatives pour renforcer le peuplement échouent : les maladies tuent les arrivants. C’est donc avec une certaine logique que la Révolution enverra à Cayenne les prêtres réfractaires et les opposants politiques. Le bagne était né. L’esclavage est aboli en 1794, puis rétabli huit ans plus tard, provoquant un important marronnage. Bientôt, les Portugais, mécontents d’être envahis par les généraux de Napoléon en Europe, s’installent en Guyane française de 1809 à 1814. La Restauration sera une période faste pour la colonie, grâce toujours à l’esclavage et à la réactivation du plan de développement que Joseph Guisan (1740-1791), un ingénieur suisse, avait mis en place à partir de 1771. En 1848, l’abolition définitive de l’esclavage menace de rompre l’équilibre économique guyanais. Pour pallier l’élargissement des Noirs, on va faire venir des travailleurs asiatiques sous contrat et des forçats. Dès lors, le bagne se développe autour de Saint-Laurent-du-Maroni. Alfred Dreyfus (1859-1935) en sera le prisonnier le plus célèbre. Dans les mêmes années, les boues aurifères d’un affluent de l’Approuague provoquent une ruée qui va durer un siècle. Réveillant des contestations de frontière avec la Guyane hollandaise (jusqu’en 1935) et entrainant le déclin dramatique des populations indiennes.

Sous l’impulsion du journaliste Albert Londres (1884-1932), un puissant mouvement d’opinion obtient la fermeture du bagne (légale en 1938 ; effective en 1946 - les derniers détenus seront rapatriés en 1953). Seconde Guerre mondiale : l’administration coloniale, d’abord pétainiste, rejoint la France libre en 1943. En 1946, la Guyane devient un département, dont la situation économique et sanitaire est des plus médiocres. C’est la guerre d’Algérie qui lui permet de sortir de l’ornière. Lorsque la décision est prise de transférer le Centre spatial français de Colomb-Béchar à Kourou (1964). Au fil des ans, le pas de tir de Kourou est devenu le port spatial de l’Europe, avec un impact démographique et économique positif.

Politique

La Guyane est, à la fois, une région administrative, un département français d’outre-mer (DOM) et une région ultrapériphérique de l’Union Européenne.

Célébrité

Gaston Monnerville (1897-1991) est une figure de la vie politique française. Petit-fils d’esclave né à Cayenne, il fut sous-secrétaire d’Etat aux colonies du gouvernement Chautemps en 1937-1938, résistant, puis président du sénat de 1947 à 1968. Issu du radicalisme, il défendit avec détermination les institutions républicaines.

Henri Salvador (1917-2008). Avant d’être le papy cool de la chanson française veloutée, il fut, avec Boris Vian, un trublion pétaradant et mal embouché qui fit swinguer avec désinvolture et talent la France du Petit Nicolas. Du Blues du dentiste à Syracuse, et de Ray Ventura à Art Mengo, il y en aura eu pour tous les goûts dans une carrière à coulisse…

Léon Gontran Damas (1912-1978) portait en lui tous les métissages guyanais. Poète et essayiste, il fut l’un des promoteurs de la Négritude, avec Aimé Césaire (1913-2008) et Léopold Sédar Senghor (1906-2001). Député de Guyane (1948-1951) et professeur à la Howard University (Washington D.C.).

Malia Metella (née en 1982, à Cayenne) est une nageuse de caractère, qui, pendant les années 2000, fit avec Laure Manaudou (née en 1986) les beaux jours de la natation française. De l’argent aux JO 2004 et aux championnats du monde 2005 ; de l’or aux rencontres nationales et continentales.

Anne-Marie Javouhey (1779-1851) a fondé la congrégation des sœurs de Saint-Joseph de Cluny. En 1828, elle installe à Mana, en Guyane, une colonie agricole qui devient un sas pour les esclaves libérés, entre la servitude et une problématique autonomie économique et sociale. Son action fut soutenue par Victor Schoelcher (1804-1893), rédacteur du décret du 4 mars 1848 abolissant l’esclavage.

Arianne. Le 24 décembre 1979, la fusée Ariane I effectue un premier vol satisfaisant. Depuis, ces lanceurs européens (jusqu’à l’actuelle version V) se sont taillés une belle part de marché dans le domaine de la mise en orbite des satellites (300 engins de plus de 100 kg entre 1979 et 2009).

 

 

Cuisine

Crevettes, salade de chou maripa (cœur du palmier Attalea maripa), poisson mariné et accras de morue sont l’essentiel des entrées. Mettons-y encore le boudin, très parfumé. Parmi les préparations du poisson, le blaff s’impose : prenez du mérou, par exemple, et cuisez-le dans un court-bouillon relevé de cèleri, d’oignon, de bois d’Inde (piment de la Jamaïque), de citron… Citrons toujours pour « cuire » le machoiran et le coco ; l’acoupa ou le vivaneau seront plutôt grillés sur des braises (et servis avec une sauce au lait de coco). Les viandes (poulet, porc, agneau…) et les gibiers (pécari, maïpouri, iguane…) sont généralement servis en fricassée. Ils peuvent (tout comme les poissons) être boucanés : fumés. Avec tout ça, du riz, des haricots rouges ou du couac (semoule de manioc), des légumes. Les fruits sont délicieux.
Le bouillon d’awara : c’est le plat « national » guyanais. On le prépare pour le lundi de Pâques. La base en est une pâte épaisse de fruits d’Astrocaryum vulgare (le palmier awara) que l’on cuit longuement avec poulet, crabes, crevettes et légumes variés. Qui goûte au bouillon d’awara retournera en Guyane !

24 juin 2015

Aimé Césaire, poète et homme politique

Aimé Césaire, poète et homme politique martiniquais est l'inventeur du concept de "négritude".

Né en 1913 dans une famille modeste de Fort de France, il est reçu à l'Ecole normale supérieure en 1935. Au cours de ses années parisiennes, il gère l'Association des étudiants martiniquais et se lie d'amitié avec Léopold Sédar Senghor. C'est en 1939, dans un long poème intitulé "Cahier d'un retour au pays natal", qu'il pousse "le grand cri nègre". Le concept de "négritude" est une révolte. Il exprime à la fois le refus des facilités de l'exotisme et des complaisances assimilationnistes, et exalte la souffrance nègre tandis qu'il valorise l'homme noir. Il invite ce faisant les Antillais à assumer leur histoire, celle de l'esclavage, comme celle de la colonisation, à cultiver la fierté d'être nègre, afin de pouvoir exprimer leur propre culture.

Rentré en Martinique en 1939, il fonde en 1941 la revue Tropiques qui séduit André Breton. Puis, Aimé Césaire entame une carrière politique. Proche des idées communistes, il est élu en 1945 maire de Fort de France, puis député à l'Assemblée nationale. Il est l'un des principaux artisans du statut de départementalisation de 1946. En 1958, il fonde le Parti Progressiste Martiniquais qui cherche à promouvoir l'autonomie des îles. Il critique vivement la colonisation dans son Discours sur le colonialisme publié en 1953.

L'homme d'action n'estompe toutefois pas l'homme de lettres. Ses nombreux recueils poétiques Soleil cou coupé en 1948, Corps perdu en 1950 ou encore Ferrements en 1959, multiplient les images et les références à l'environnement antillais, tout en revendiquant avec violence la liberté de l'homme africain et de ses descendants.

Aimé Césaire écrit également des pièces de théâtre, qui lui permettent de toucher un public plus large. Son chef d'oeuvre, La tragédie du roi Christophe (1963), entre au répertoire de la Comédie Française en 1991.

Aimé Césaire s'éteint le 17 avril 2008. Fait rare pour un écrivain, un hommage national lui est rendu.

Aimé Césaire figure ainsi parmi les intellectuels majeurs du vingtième siècle: homme politique engagé, poète inspiré et ardent défenseur de la langue et de l'identité antillaise.

Julie Le Gac
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24 juin 2015

Les résistances de Ménélik II aux tentatives

Les résistances de Ménélik II aux tentatives d'invasion italiennes et son succès lors de la bataille d'Adoua en 1896 ont donné à l'Éthiopie une place privilégiée dans la formation de la pensée panafricaine. En 1893, face aux prétentions italiennes, Ménélik II déclare : « L'Éthiopie n'a besoin de personne, elle tend les mains vers Dieu ». Le terme « Éthiopie » définissant à la fois le pays et le continent africain, de nombreux panafricains utilisent par la suite cette citation comme devise au XXe siècle. L'attirance des panafricains pour l'Éthiopie s'explique également par la volontés de ceux-ci, à l'instar d'Edward Blyden, de mettre en avant la lumineuse histoire du continent Africain. L'Éthiopie est en effet une des plus anciennes zones de peuplement humain, et la première forme étatique éthiopienne est attestée depuis le VIIIe siècle avant Jésus-Christ.

Benito Sylvain, natif de Port-au-Prince et figure majeure de la Conférence panafricaine de 1900, entretient avec l'Éthiopie des liens étroits. Fondateur du journal La Fraternité, Organe de Défense des Intérêts d'Haïti et de la Race noire, il devient en 1893 enseigne de vaisseau de la Marine de Guerre haïtienne. En 1897, il se rend à Addis-Abeba, voyage qu'il entreprend afin de voir de ses yeux « le Négus Ménélik, dont les magnanimes vertus font réellement honneur, non seulement à la race noire, mais encore à l'humanité tout entière ». Ayant obtenu une audience avec l'Empereur, il lui parle longuement d'Haïti et de la situation des Noirs aux Caraïbes et en Amérique. Lors de rencontres ultérieures, il fait part au Négus de ses inquiétudes concernant les volontés impérialistes de la France, de l'Angleterre et de l'Italie sur le territoire éthiopien, et lui conseille de moderniser son armée. Plus tard, il s'entretient avec lui sur la question de l'esclavage en Éthiopie, subsistant malgré les interdictions du Négus, et qui préoccupe les Haïtiens. À la question de Ménélik : « Les Noirs d'Amériques s'intéressent donc à ce point à l'Afrique ? », Benito Sylvain répond « Le mouvement n'est pas encore général,

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le Mont N'égre
  • Cheikh Anta Diop naît en 1923 dans un petit village du Sénégal, Caytou. L'Afrique est sous la domination coloniale européenne qui a pris le relai de la traite négrière atlantique commencée au 16ème siècle. La violence dont l'Afrique est l'objet, n'est pas
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